Changement climatique :
Guide pratique sur les leviers juridiques & financiers pour les villes et les villes frontalières
Promouvoir la résilience des villes frontalières
face au changement climatique
L’Afrique a joué un rôle actif dans les négociations de la COP21 en soulignant l’importance des villes à l’avant-garde de la résilience au climat et la nécessité de mécanismes pour financer l’adaptation au changement
climatique. Il existe de nombreuses possibilités de renforcer la coopération
transfrontalière entre les autorités locales. Toutefois, faute de législation et
de financement appropriés, les autorités locales ne disposent pas toujours
des moyens nécessaires pour mener à bien des projets transfrontaliers ni
de la possibilité d’accéder directement au financement pour le climat. Le
Secrétariat a poursuivi ses travaux pour mieux comprendre les contraintes
environnementales qui affectent les villes situées dans des zones transfrontalières.
Le travail passe en revue les sources de financement internationales.
Il évalue les options juridiques, financières et de gouvernance qui
pourraient aider les autorités locales à mener à bien des projets transfrontaliers.
Le Secrétariat a achevé deux études de cas à Dori (Burkina Faso)
- Tera (Niger), Gaya (Bénin) - Malanville (Niger) et une étude en cours sur
le corridor Lagos (Nigéria) - Abidjan (Côte d’Ivoire). Ce travail alimente
les efforts de plaidoyer suite à l’Accord de Paris pour fournir aux villes et
aux autorités locales un accès au financement pour le climat, dans le cadre
du groupe de travail sur le climat de Cités et Gouvernements Locaux Unis
d’Afrique (CGLU Afrique).
Objectifs du guide
Présenter un diagnostic de l’ingénierie technique et financière disponible pour les autorités locales et régionales, voire des structures transfrontalières en matière d’adaptation au changement climatique.
L’analyse réalisée n’est pas exhaustive et la liste des dispositifs est bien sûr évolutive. Toutefois la méthodologie proposée et les outils juridiques et financiers recensés peuvent être appropriés par les acteurs dans leur volonté politique de mener de tels projets.
Impact
- Les autorités locales et les villes seront plus à même d’affirmer leur rôle dans la formulation des politiques d’atténuation des risques climatiques.
- Meilleure connaissance du financement climatique pour les organismes transfrontaliers, ainsi que des leviers juridiques et du soutien financier à la coopération frontalière.
Le guide
No. 1 : Le parcours d’un projet
Le cycle de vie d’un projet transfrontalier en matière d’adaptation au changement climatique peut être retracé à partir des différentes étapes à mettre en œuvre. Ce processus est similaire pour tous types d’acteurs y compris ceux dans une phase de coopération déjà élaborée, ces derniers pouvant sauter les étapes déjà réalisées.
No. 2 : Établir une stratégie climat au niveau national et au niveau local
La rédaction de stratégies climat d’atténuation et d’adaptation au niveau national est recommandée dans le cadre onusien de la Conférence des parties (COP) pour le climat, et soutenue par le processus des Plans d’Adaptation Nationaux pour les Pays les Moins Avancés. Il s’agit d’accompagner l’évaluation des risques liés ou renforcés par le changement climatique pour un pays, et d’élaborer un plan d’action pour réduire les vulnérabilités.
No. 3 : Établir une stratégie transfrontalière de développement local
Les espaces transfrontaliers sont des bassins de vie sur lesquels les populations partagent souvent des caractéristiques culturelles et linguistiques, et des besoins spécifiques pour le développement territorial, surtout lorsque la capitale est éloignée de la frontière : accessibilité des services de base comme la santé et l’éducation/la formation, facilitation des échanges commerciaux sur les marchés transfrontaliers, aménagement et transports transfrontaliers.
La mobilisation des acteurs politiques et techniques des autorités locales pour créer des partenariats autour d’un projet de territoire transfrontalier partagé est essentielle pour un aménagement concerté qui n’impacte pas négativement le voisin (exemple des ouvrages hydrauliques de contrôle des inondations sur le fleuve Niger) et qui prennent en compte les flux de populations autour des infrastructures (marchés et services afférents, centres de santé, etc.).
No. 4 : Monter un projet transfrontalier
Le montage du projet en lui-même, dans le cadre d’un appel à projets, ou afin d’être soumis à l’évaluation de financeurs nationaux (services de l’Etat), régionaux (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), Banque Africaine de Développement, etc.) ou internationaux, doit faire l’objet d’une réflexion rigoureuse pour envisager et anticiper les besoins et risques à chaque étape du projet.
Le montage juridique du projet transfrontalier dépend de l’objet de la coopération,
de sa durée et des acteurs impliqués. Il s’agit de déterminer le montage
juridique adéquat pour mener à bien le projet transfrontalier.
Pour chaque cadre de concertation, il est proposé d’identifier :
- Les domaines d’intérêt de coopération transfrontalière : quel est l’objet de la coopération transfrontalière ?
- La valeur ajoutée d’un cadre de concertation transfrontalier ad-hoc par rapport aux initiatives existantes
- Le niveau le plus pertinent d’organisation : quelle couverture géographique et quel niveau de prise de décision ?
- Les partenaires concernés : acteurs institutionnels, socio-économiques; cadre de concertation large ou restreint
- La durée du partenariat : s’agit-il d’une coopération pérenne ou ponctuelle ?
- L’outil juridique le plus pertinent pour formaliser le cadre de concertation souhaité
- La transcription juridique des attentes des partenaires.
À noter
La question de la structuration juridique (deux derniers points)
intervient lorsque l’ensemble des cinq premiers points sont établis.
Le cadre de concertation peut prendre diverses formes : d’une
simple convention à une structure commune dédiée pérenne, le
choix du montage juridique dépend donc de l’objet de la coopération,
de sa durée et des acteurs impliqués. Une multiplication
inconsidérée des cadres de concertation n’est évidemment pas
recommandée. Néanmoins un même territoire peut mettre en
présence plusieurs cadres de coopération transfrontalière dans
la mesure où l’objet est différent. Une articulation entre ces différentes
coopérations doit être garantie afin de promouvoir une
synergie entre les actions et d’éviter toute situation de concurrence
qui serait contre-productive.
No. 5 : Structurer le projet en s’appuyant sur l’ingénierie technique disponible
Ingénierie technique et financière pour renforcer les capacités
locales : les outils de la Coopération Décentralisée
Des échanges entre collectivités du Nord et du Sud, avec la participation
d’agences techniques, peuvent apporter dans le cadre de projets spécifiques
les connaissances et savoir-faire techniques nécessaires pour réaliser
certaines actions d’adaptation et de développement en Afrique de l’Ouest.
Il peut s’agir d’échanges impliquant uniquement des collectivités ou bien
également des agences possédant une expertise technique. Des dispositifs
de financement conçus pour encourager la coopération décentralisée peuvent
alors être mobilisés et contribuer à apporter l’assistance technique et financière
requise.
Le transfert de moyens à des institutions de niveau régional en
Afrique
Des institutions régionales en Afrique présentent également des moyens en
termes d’assistance technique et financière pour des projets d’action climatique,
qui pourraient le cas échéant être multi-pays. Il peut s’agir de moyens
délégués par la Convention Nationale des Nations Unies contre le Changement Climatique ou l’Union Africaine – la Banque Africaine de Développement
(BAD) devient le bras armé du Fonds Vert pour le Climat dans les Etats
africains et d’autres fonds régionaux pour le développement d’infrastructures
résilientes ; ou bien de programmes indépendants de la Banque Africaine
de Développement. Voici quelques programmes en capacité d’accompagner
des projets d’adaptation au changement climatique – potentiellement en
transfrontalier et de financer des initiatives pour un développement durable
et résilient en Afrique de l’Ouest.
Finance climat
Pour demander un financement climat, il s’agit d’identifier une problématique, un besoin précis : Le projet concerne-t-il de la planification, de la formation, un investissement ? Quelle thématique ? Avec quels acteurs partenaires ?
Il faut noter que la réduction des risques de catastrophes est une thématique à part, particulièrement bien traitée par les dispositifs de financement.
La recherche et diffusion de nouvelles connaissances sur les effets territoriaux du changement climatique, la réalisation de diagnostics de vulnérabilité et de stratégies de planification intégrant des mesures d’adaptation, la mise en place de petits projets et la formation des populations pour réduire les risques de catastrophes sont autant d’activités susceptibles d’attirer les subventions. La dimension urbaine et transfrontalière peut d’ailleurs constituer un caractère très attractif pour de nombreux bailleurs de fonds.
Un cofinancement est parfois nécessaire, notamment pour la sollicitation du Fonds Vert pour le Climat, que cela soit pour des activités de planification ou des investissements. Les banques de développement accordent souvent ce co-financement pour les gros montants que les Etats ne sauraient couvrir.
Enfin, beaucoup de dispositifs de financements des activités climatiques proposent des prêts, des prêts dits concessionnels ou hautement concessionnels (c’est-à-dire à taux d’intérêt très faible). Dans ce cas, le projet devra être porté par le ou les Etats concernés car les autorités locales africaines, suivant l’état du droit national, n’ont pas toujours la capacité d’emprunter. De plus en plus de réseaux d’acteurs plaident pour une intermédiation via des agences nationales qui dispenseraient une ingénierie technique pour les projets de développement durable et pour l’action climatique, mais concentreraient également les fonds à destination des collectivités locales.
Des fonds spécifiques pour l’Environnement ou même pour l’Adaptation peuvent être prévus dans les différents États d’Afrique de l’Ouest, mais pas toujours effectifs : les acteurs locaux sont pour cela invités à se rapprocher des autorités nationales afin de présenter leurs projets, les faire accompagner et potentiellement financer par ces autorités, ou bien les faire appuyer par les autorités nationales auprès d’autres institutions partenaires en capacité d’apporter l’ingénierie technique et/ou financière nécessaire au projet.
Un inventaire (non exhaustif et surtout évolutif) des dispositifs de financement pour des projets de développement local transfrontalier en lien avec l’adaptation au changement climatique en Afrique de l’Ouest est proposé ci-après.
L’accès des autorités locales aux financements nécessaires au développement local transfrontalier et à la résilience climatique
Il est possible de trouver des programmes finançant directement des autorités locales sous la forme de subventions, pour de la planification climat par exemple. Le financement direct permet une appropriation plus forte du sujet par les autorités locales. Toutefois, pour de plus gros projets, l’intermédiation de l’État est souvent demandée pour des raisons de solvabilité, et cela à condition que les autorités locales disposent de la capacité d’emprunter directement. Or, elles n’ont pas toujours cette capacité. Pour cela, il faut, d’une part, que le cadre de la décentralisation existe et qu’il soit effectivement mis en place, et, d’autre part, que les autorités nationales ne conservent pas un droit de regard sur l’action des collectivités territoriales en la matière (ce qui est quasiment toujours le cas par le biais notamment du pouvoir de tutelle).
De plus, les projets d’adaptation sont censés suivre la stratégie nationale élaborée dans le cadre du Plan Nation d’Adaptation (établi par le cadre de Cancun en 2010), car l’adaptation doit être un processus « country-driven » c’est-à-dire conduit par le pays concerné, selon ses besoins.
Dans tous les cas, les ordres juridiques internes des États de l’Afrique de l’Ouest ne permettent pas aujourd’hui un affranchissement total du contrôle des autorités nationales en cas d’emprunt prévu/ réalisé par une collectivité territoriale. Si les autorités locales pouvaient capter directement des financements, l’appropriation des projets serait renforcée, et la marge de manœuvre accrue pour la coopération transfrontalière.
Les autorités locales et régionales sont en première ligne face aux changements climatiques et ont une meilleure connaissance des enjeux spécifiques liés au territoire transfrontalier. Les ressources financières doivent pouvoir atteindre le niveau local, pour des investissements au bénéfice des communautés locales les plus vulnérables. Une plus grande décentralisation financière (soutenue entre autres par Cités et Gouvernements Locaux Unis, le Fonds Mondial pour le Développement des Villes, C40, etc.), permettrait d’augmenter les capacités d’investissement des autorités locales et régionales pour le développement des territoires.
Les bailleurs doivent être encouragés à considérer les autorités locales et régionales comme des interlocuteurs crédibles et des partenaires de long terme et non plus seulement comme des bénéficiaires. Sur le court-terme, un accord peut être trouvé pour mettre en place une intermédiation financière, c’est-à-dire prévoir des institutions de financements dédiées aux collectivités, où les groupements de collectivité qui mutualisent des services d’ingénierie technique et de projet (exemple du Groupement Intercommunal des Collines au Bénin) devraient pouvoir servir d’intermédiaire financier entre bailleurs internationaux et collectivités locales dans le cadre de projets d’envergure.
Les études de cas
Dori (Burkina Faso) et Téra (Niger)
L’étude de cas suivante décrit Dori et Téra, deux agglomérations non jointives, distantes d’environ 95 km, situées de part et d’autre de la frontière Burkina Faso – Niger. Elles forment un réseau de villes considéré comme des « villes jumelles », distantes de quelques kilomètres qui fonctionnement comme un tandem en raison des flux, des logiques de transit et de la mobilité interurbaine.
Entretien avec Ahmed Aziz Diallo, Maire de Dori (Burkina Faso)
Gaya (Niger)- Malanville (Benin)
Cette étude de cas décrit la région transfrontalière de Gaya-Malanville Gaya (Niger) et Malanville (Bénin) sont deux villes distantes de 10 km séparées par le fleuve Niger. Cette agglomération transfrontalière constitue le coeur économique de la région du Dendi. Les deux villes se sont développées le long de l’axe routier Cotonou-Niamey. Les agglomérations frontalières de Gaya (Niger) et de Malanville (Bénin) comptent 111000 habitants en 2018 dont 50368 habitants pour Gaya et 60806 habitants pour Malanville. En 2020, la population estimée est de 135 000 habitants.
Corridor littoral : Lomé (Togo) - Cotonou (Bénin)
Cette étude de cas décrit l’axe transfrontalier de Lomé-Cotonou, un corridor littoral de villes de 1,7 millions d’habitants. Il représente un enjeu stratégique d’intégration régionale pour la CEDEAO. Sur cet axe, Lomé (capitale du Togo), forme une agglomération transfrontalière avec Aflao (Ghana) et Aného (ancienne capitale du Togo) et Hillacondji (commune de Grand Popo).
Partenariat
Les travaux ont été menés en collaboration avec la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT) et s’appuient sur ses expériences passées de collaboration avec le programme Frontière de l’Union africaine, les membres du CSAO, y compris les organisations régionales, CGLU Afrique et Climate Chance.
Entretien avec la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT)